Je suis entourée de gens heureux, amoureux, aimant leur travail… et épuisés. Ils ont souvent la trentaine — mais pas toujours —, l’âge auquel on devrait exploser d’énergie ! Quelles sont donc les sources de cet état d’épuisement ?
Bonne et mauvaise fatigue, faites-vous la différence?
Je participais récemment à une série de rencontres en codéveloppement, une méthode éprouvée créée dans les années 90, qui permet aux gens de s’entraider au passage d’un cap professionnel. Nous étions sept entrepreneures. Au moment de nos échanges, trois d’entre elles étaient épuisées. Une quatrième venait de se sortir d’une période de grande fatigue. C’est beaucoup. Beaucoup trop.
Toujours actuellement, un de mes proches collègues, tonique et sportif, lui-même thérapeute, se trouve limité en énergie et en concentration depuis un an déjà et commence tout juste à mettre en place des moyens solides pour se sortir de là. Évidemment, il lui a fallu reconnaître et comprendre les causes de cet abattement — lui, le spécialiste — pour pouvoir poser des gestes.
Autour de moi, de jeunes parents en santé, amoureux, aimant leurs enfants et leur travail sont épuisés. Que s’est-il passé pour que cette période bénie de leurs vies soit devenue un fardeau ou une source de stress constant, ce que les générations précédentes n’ont pas connu sur de telles durées?
Aucune de ces personnes n’est imbécile ou sans ressources personnelles. Les exemples sous mes yeux sont innombrables. Heureusement, on peut les décortiquer, en expliquer les constructions, y apporter des solutions.
Et vous, faites-vous la différence entre une bonne et une mauvaise fatigue? Savez-vous en reconnaître les causes? En voici quelques-unes au goût du jour.
Choisir judicieusement ses sources d’information
Parmi les personnes fatiguées, certaines sont avides d’information. Plusieurs s’intéressent à la politique municipale, à la santé, ou encore à l’économie. Sont-ce de mauvais sujets? Bien sûr que non!
Par contre, ce qui est épuisant, obsédant, c’est d’écouter les nouvelles concernant, par exemple la situation climatique ou la guerre en Ukraine, toutes les heures, et encore, en étant « alerté » par des notifications en continu de tout ce qui traite de la question et dans tous les formats : papier, télé, radio ou électroniques.
Si votre réflexe est de vous surinformer sur une question donnée, vous vous épuisez à coup sûr en bombardant votre esprit d’informations souvent répétitives. Vous en devenez obsédé. Il n’y a plus de place pour autre chose. Ça vous dit quelque chose?
Si tel est le cas, vous avez le choix des armes: la fréquence, la source, la variété.
- La fréquence, ça peut être de lire le journal le samedi matin en prenant votre café au lait et vous contenter de ce récapitulatif de la semaine. Personnellement, c’est ce que m’apporte depuis longtemps le Devoir sur un plateau. Vous serez surpris de ne rien manquer !
- La source, c’est d’abord une question de qualité. Assurez-vous de ne pas ouvrir la porte aux opinions, aux réactions, aux démonstrations non fondées. Choisissez des contenus solides, bien documentés. Vous vous bâtirez votre propre opinion sur du solide!
Ensuite, visez les sources positives (eh oui, ça existe !). Vous êtes préoccupé par les changements climatiques? Abonnez-vous à une infolettre positive, fiable en raison de sa qualité journalistique, par exemple UnPointCinq et découvrez une fois la semaine de bonnes nouvelles sur les expériences et productions concluantes qu’obtiennent des personnes, des communautés, des entreprises ou des chercheurs. Vous carburez plutôt à la politique municipale? Le bulletin le Carrefour municipal regroupe 5-6 nouvelles de qualité du lundi au vendredi. Ça fait un bien fou!
- La variété. Varier les plaisirs, mais pas trop ! Un journal papier, un ou deux bulletins électroniques, un balado suffiront. Ne remplacez pas un problème de débordement par un autre!
L’éléphant dans la pièce : votre cellulaire et autres sources électroniques
Voici maintenant plusieurs années qu’Amazon fait partie de notre décor, peut-être de vos habitudes d’achat. Dès le départ, on vous y offrait systématiquement d’acheter des titres ou des produits que d’autres personnes ayant un profil semblable au vôtre avaient aimés. Depuis, cette habitude s’est généralisée à pratiquement toutes les entreprises qui font du commerce électronique, au point de paraître banale, échappant à votre vigilance.
Pourtant, c’était déjà la base de l’établissement de profils. Cette technique permettant à son tour de s’adresser à vous comme consommateur potentiel plutôt que comme être pensant en vous proposant des valeurs sûres qui vous stimuleraient à acheter davantage et à lire ou à écouter des produits toujours semblables.
Avez-vous écouté le documentaire Social Dilemna (Derrière nos écrans de fumée) ? D’ex-développeurs de Google, Facebook et autres géants du Web relatent leur bonheur initial à développer des outils qui donnaient aux gens des moyens incomparables de communication… jusqu’à leur désenchantement lorsque le temps passant, la cueillette de données personnelles et leur analyse se raffinant, les intérêts des publicitaires ont écrasé ceux des citoyens.
Et ça atteint de plein fouet les enfants et les jeunes, plus vulnérables parce que moins raisonnables que l’adulte — mais pas seulement les plus jeunes, vous aussi. Les notifications, les « j’aime »… tout concourt à exacerber leur vigilance, à capter leur attention. Sous leurs yeux, dans leur poche arrière de jeans, sur leurs téléphones. Sous vos yeux également.
À son paroxysme, cette dépendance devient une maladie: la mobidépendance ou nomophobie. Elle peut provoquer de grandes crises d’angoisse dès qu’on est séparé de son cellulaire ou de ses courriels.
Il s’est glissé insidieusement dans l’esprit de plusieurs qu’être joignable c’est être vivant, c’est être important. Et pourtant…
La démocratie en danger faute de citoyens pensants
Le marketing peut se déployer de multiples façons, de la plus éthique à la moins respectueuse. C’est la responsabilité de l’entreprise, de l’organisme, de choisir un marketing propre. Et ce sera l’objet d’un autre article.
L’analyse des comportements humains est à la base de la formation en marketing. Dans les premiers temps de cette jeune science, elle répondait aux questions: « Qui sont-ils, comment pouvons-nous les atteindre, les servir? » Mais les moyens dont on dispose de nos jours pour colliger et analyser les gestes des personnes à des fins commerciales ou leurs opinions sont à des années-lumière de ce qu’il était possible d’obtenir il y a quelques années seulement.
Ainsi, lorsque le marketing s’empare de vous par l’analyse de l’ensemble de vos comportements — vous laissez énormément de traces sans le savoir — il peut s’en servir pour:
- vous proposer essentiellement des idées qui sont déjà les vôtres. Dans ce cas-ci, le risque est la polarisation des opinions et des habitudes. Le clivage des sociétés entre ceux qui pensent comme vous et les autres. Les bons et les méchants, quoi!
- vous proposer essentiellement des produits et des services comme consommateur — dont vous avez besoin ou non — auxquels il est difficile de résister. Et pendant ce temps, vous ne réfléchissez pas. Panem et circences (Du pain et des jeux), disaient déjà les empereurs romains. Ou comment garder le peuple content et passif…
Le parent parfait n’existe pas : le bon parent, oui!
Parfois la fatigue vient du fait qu’on essaie d’être parfait en toutes choses. Plusieurs jeunes parents sont dans cette situation. Non seulement sont-ils bombardés d’informations qui leur expliquent quoi faire et comment le faire, mais ils doivent en plus choisir ce qui leur convient parmi une avalanche de conseils et de solutions.
Ajoutons à cela qu’ils tentent de porter tous les chapeaux à la fois comme parents, mais aussi comme animateurs de leurs enfants. Pas étonnant que certains soient épuisés par tant d’offres et de choix à faire.
Des alternatives à l’épuisement, des solutions à votre portée
Qu’on en commun tous les cas de figure explorés jusqu’ici? Tous ces gens épuisés sont mentalement surstimulés, en état d’hypervigilance.
Leur fatigue, qu’ils qualifient souvent de physique, découle pourtant d’un épuisement mental. Deux solutions:
- couper les stimulations hypnotiques,
- retrouver du temps non planifié, sans stress.
C’est simple : prenez du temps de qualité pour être, plutôt de réagir à ce qu’il vous faut faire. Hors du temps et des horaires. Sans performance. Vous aimiez marcher? Faire la sieste? Vous perdre dans un musée? Lire des bandes dessinées? Bavarder de tout et de rien avec vos proches? Bricoler? Jouer avec vos enfants? Vous pratiquiez le tai-chi, le yoga? Recommencez. Des milliers d’options s’offrent à vous.
Vous sentez-vous glisser vers l’épuisement programmé, ce trou noir de notre époque? STOP. Rappelez-vous que toutes les solutions proposées ici sont à votre portée.
Retrouvez un libre arbitre éclairé, un temps et un espace de réflexion et de tranquillité propices à votre bien-être. Vous n’en serez que plus utile à ceux qui vous entourent et à la société. Bon retour parmi nous.
Isabelle Quentin
Une première version de cet article est parue en septembre 2020 sur le site isabellequentin.com
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André Lanciault
Bonjour Isabelle,
La lecture de ton article m’a ravi ce matin. Très très actuel, plusieurs observations très pertinentes: L’immense quantité d’informations, la validité des sources d’information, notre dépendance aux appareils électroniques, la polarisation, le wokisme, l’hypervigilance etc. Se donner du temps à soi est une clé essentielle à un bon équilibre. Par exemple, nous marchons en forêt régulièrement depuis le mois de janvier. Nous prenons un bain de forêt (shinrin yoku); une méthode propre à la sylvothérapie. Très relaxant 😌.
Isabelle Quentin
Merci, André, de prendre le temps de nous lire et de partager tes commentaires. C’est précieux.